PORTRAIT | Philippe Albanel

Comment trouver sa voie ? Par où commencer et comment trouver des réponses ?
Jeune, je me posais très peu ces questions me laissant guider par la vie scolaire. Mais, quand arrive le moment fatidique du choix du premier job tout remonte à la surface.
Alors que je ne m’y attendais pas du tout, ce sont mes émotions qui m’ont progressivement guidé vers le chemin que j’ai emprunté. Des émotions qui sont pour moi une clé pour trouver du sens.
Je suis aujourd’hui entrepreneur social : gérant d’une structure d’aide à domicile à Lyon, fondateur de l’association Entour’age Solidaire et du café intergénérationnel Chez Daddy.

Mes premières réflexions… à tâtons

Comme un grand nombre de lycéens, j’ai fait mes premiers choix professionnels par défaut. J’ai intégré l’Ieseg, une école de commerce, parce que c’était la suite logique de mon bac ES, et que cela m’évitait de passer par une classe prépa. Cette option me permettait également de gagner du temps avant d’avoir à poser un choix de carrière précis.

La seule chose dont j’étais sûr à ce stade, c’était mon envie (mon besoin ?) d’entreprendre. J’ai toujours eu beaucoup d’idées – la plupart du temps loufoques, stoppées au moment de l’étude de faisabilité. J’ai toujours eu beaucoup de plaisir à investir mon énergie dans le montage de nouveaux concepts, de l’hôtel sous-marin à l’espace de coworking mobile. Cet élan créateur m’a toujours fait vibrer.
C’est une discussion avec ma mère qui m’a mis sur la voie de l’impact social. Je devais certainement être en train de lui raconter avec enthousiasme un de mes nouveaux projets lorsqu’elle m’a dit : “Créer une entreprise c’est très bien Philippe, mais c’est encore mieux si ce que tu crées est utile socialement.

Le poids des émotions dans mon choix de carrière

A cette période-là j’ai décidé de connecter mon envie d’entreprendre avec un autre besoin ancré en moi : être utile aux personnes vulnérables. Cette connaissance de moi-même et de mes besoins, je l’ai acquise en apprenant à écouter mes émotions quotidiennes :

…. Des émotions négatives : révolte en croisant des SDF, tristesse en constatant parfois a posteriori mon indifférence à leur situation.
… Des émotions positives : excitation à trouver des solutions, fierté à agir, joie de la reconnaissance reçue.
Il était désormais clair que je mettrais mon envie d’entrepreneuriat au service d’un impact social positif. Seul petit bémol, ayant alors rencontré ma merveilleuse future femme et souhaitant construire une famille : comment faire pour concilier cet impact social avec une tranquillité financière ? L’approche social business de Muhammad Yunus que j’ai découverte en fin d’études m’a beaucoup rassuré sur la question : le marché de l’emploi associatif, à forte utilité sociale mais peu rémunérateur, n’était pas l’unique solution pour avoir une empreinte positive.
Deuxième questionnement majeur : où serais-je le plus utile ? Quelle entreprise sociale créer, à quels besoins répondre ?
Là encore, c’est mon histoire personnelle qui m’a apporté des réponses : j’ai eu la chance d’habiter chez mon grand-père, ce qui a beaucoup solidifié notre lien. Il m’a transmis ses connaissances géopolitiques, ses valeurs morales, sa méthode de travail… et même sa passion pour le Tour de France !
J’ai vécu beaucoup d’émotions fortes cette année-là : plaisir des moments partagés, confiance intergénérationnelle, chagrin lors de son décès. Encore une fois, ce sont mes émotions qui m’ont guidé vers ma voie : l’importance du bien-vieillir et de la transmission intergénérationnelle.

La voie que j’ai empruntée

Fin 2015, à 26 ans, je me suis lancé dans le service à la personne. J’ai créé une agence d’aide à domicile en tant que franchisé au sein du réseau Senior Compagnie à Lyon. Cette agence compte aujourd’hui 42 salariés en CDI, et accompagne 160 personnes âgées.

En quelques années, cette aventure entrepreneuriale m’a permis d’obtenir la stabilité financière que je voulais assurer. J’ai alors pu laisser libre cours à mes envies d’innovation pour générer un impact social positif.
Fin 2018, j’ai lancé l’association Entour’âge Solidaire qui lutte contre l’isolement des seniors à Lyon. Depuis quelques mois je travaille au développement de Chez Daddy, un café “comme à la maison” pensé pour favoriser la rencontre de proximité entre les générations. Ce café est un hommage à mon père, bon vivant invétéré et “Daddy” très investi dans la relation avec ses enfants et petits-enfants.

Mon conseil

Mon cheminement a été sinueux mais j’ai toujours eu confiance en l’avenir. Après avoir compris mon besoin profond d’être utile et l’importance d’avoir un impact social, j’ai suivi mes émotions pour trouver ma voie.
Mon conseil serait donc de ne pas tenter d’étouffer ses émotions, mais de les écouter et de les comprendre, même si elles sont parfois désagréables. Elles permettent bien souvent de trouver du sens.
De la révolte provoquée par les injustices sociales, de la tristesse suite au décès de mon grand-père et de mon père, j’ai pu tirer la force de monter ces projets à impact positif. Le pouvoir des émotions est un formidable levier pour trouver sa voie et oser le changement.